Deux questions à Balla Touré Chargé de relations extérieures de l’IRA : «Nous souhaiterons constituer une dynamique nationale d’abolition définitive de l’esclavage»
Depuis ce mardi 22 janvier courant, les responsables, militants et sympathisants des ONG Antiesclavagistes nationales IRA et SOS-Esclaves ainsi que leurs partenaires sont allés à l’assaut des citoyens de la Mauritanie profonde pour sensibiliser les populations, dans le cadre de la caravane de la Liberté, organisé de l’Est du pays à Néma jusqu’à Nouakchott, le long de la route de l’Espoir, sur leurs droits, ainsi que pour susciter chez elles une prise de conscience contre l’instrumentalisation de la religion et des lois à des fins esclavagistes.
Le Rénovateur Quotidien : Peut-on connaître les raisons de la «Marche des esclaves ou la caravane de la Liberté» ?
Balla Touré : Je ne vous apprends rien en disant qu’en ce début de troisième millénaire, la République Islamique Mauritanie reste l’un des rares pays au monde où l’esclavage reste une réalité têtue. Si toutes les communautés mauritaniennes portent encore ses séquelles, il est, dans la communauté arabo-berbère, à ce jour pratiqué dans sa forme traditionnelle - l’esclavage par ascendance. Les sacrifices des générations à travers des siècles de violence et de barbarie se trouvent aujourd'hui marqués au fer rouge par le déni constant d’esclavage de la part des hautes autorités du pays et par le non respect des textes préservant la dignité humaine mais aussi de la part de ceux qui interdisent la torture, le racisme et l’exclusion. Cet état de fait laisse le champ libre aux esclavagistes et leur assure l’impunité pour leurs actes ignobles dont sont victimes d’abord les femmes et les enfants. Le statu quo perdure car, en Mauritanie, il est toujours fait référence à des ouvrages produits au 12e et 13e siècle par Cheikh Khalil, Ibnou Acher, Addesoughi ou Alakhdari – des jurisconsultes qui traitent de la traite des êtres humains, leurs castration, viol, exploitation et soumission à des pratiques humiliantes et dégradantes. Ici les faits d’esclavage sont codifiées en contradiction totale avec le saint Coran et la Sunna – paroles et actes du prophète Mohamed (PSL). Ces ouvrages continuent à être enseignés en Mauritanie, au programme des cycles de formation des imams, des érudits, des juges, des administrateurs civils, des officiers de police judiciaire, chargés de la gestion des mosquées, du statut personnel et des successions, de l’administration, des tribunaux et de la force publique. L’Etat mauritanien subventionne l’enseignement doctrinal de la discrimination et de la violence raciale. C’est dans ce contexte que les organisations IRA – Mauritanie et SOS - Esclaves ont décidé de mettre en commun leurs ressources pour organiser la Marche des esclaves ou la caravane de la Liberté.
Le Rénovateur Quotidien : L’itinéraire et les objectifs de cette caravane de la Liberté ?
B. T : Le projet consistera à organiser un convoi motorisé qui partira de Néma, à l’extrême Est du pays, pour remonter la «route de l’Espoir» jusqu’à Nouakchott, avec la participation de militants d’IRA- Mauritanie et de SOS- Esclaves ainsi que des partenaires des deux organisations. Le convoi fera des arrêts aux villes et grandes bourgades sur le chemin pour l’organisation de rassemblements publics qui seront des occasions pour développer des thèmes contribuant à sensibiliser les victimes sur l’inadmissibilité de l’esclavage ; les autorités et l’ensemble des acteurs sur le caractère criminel des pratiques esclavagistes et la nécessité d’appliquer la loi dans toute sa rigueur contre les esclavagistes. Nous voudrions contribuer à rassurer les esclaves et anciens esclaves, et favoriser leur prise de conscience de leur situation pour qu'ils n’acceptent plus et ne tolèrent plus les pratiques esclavagistes. En terme, nous souhaiterons constituer une dynamique nationale d’abolition définitive de l’esclavage en Mauritanie.
Propos recueillis par Camara Mamady